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Édito #6 : L'épure futuriste, la nouvelle mode d'Hollywood

Par Alfro
20 janvier 2014
Édito #6 : L'épure futuriste, la nouvelle mode d'Hollywood

Il est difficile aujourd'hui de ne pas juger les productions cinématographiques de science-fiction à l'aune de Star Wars. Cette saga ayant été tellement déterminante en terme d'impact et de de diffusion qu'elle sert de référent culturel commun et permet donc de juger ce que les films actuels sur une base bien définie. Tout ça pour en venir où ? Au fait que de Star Wars, les producteurs semblent en avoir oublié une partie. Le broyeur d'ordures de l'Étoile Noire, les ateliers des Jawas ou encore le palais nauséabond de Jabba.

Ces ambiances interlopes qui sentaient la crasse et le vice. Qui déterminaient finalement la réalité d'un monde par son extrême laideur. Car ce que l'on découvre aujourd'hui dans ces mondes futuristes amenés sur les écrans dans un réalisme visuel de plus en plus grand, c'est une tendance à la propreté, au blanc immaculé. L'épure en somme.

Prenons un exemple assez révélateur : Oblivion. Il ne s'agit pas ici de parler de la qualité du film qui aura raté son sujet en dépit de bonnes idées de mise en scène. Ici, c'est la direction artistique sur laquelle je voudrais me concentrer. Elle condense cette tendance à lisser l'image. Les vaisseaux ont de belles lignes droites et sont faits dans une matière qui n'est pas sans rappeler une machine à laver. D'ailleurs, tous les éléments futuristes nous font penser à une publicité pour de l'électroménager et Tom Cruise dans sa tenue coupée au cordeau en est le parfait avatar. Même les survivants qui se terrent dans des abris de fortune n'ont jamais paru aussi propres.



Ce film n'est que le parangon d'une tendance qui s'est amorcée depuis un certain temps, et la liste de productions s'y rapportant s'allonge de façon critique : The Island, I, Robot ou encore Clones. Remarquez comment aucun n'est à citer dans les grands films de ces dernières années. Parce qu'à toujours tout nettoyer, mettre de jolies courbes qui font des artworks sublimes, ils en ont oublié un truc : ce n'est pas vraisemblable. La difficulté dans un univers futuriste, c'est de rendre ce monde que l'on présente comme envisageable alors même que l'on sait qu'il est irréel.

Si Blade Runner reste encore une référence en la matière, c'est qu'il a su associer une développement futuriste crédible avec la crasse, l'obscurité et le bizarre du réel. À vrai dire, et paradoxalement, ce qui gêne aujourd'hui, c'est que ces mondes tels qu'envisagés par les DA actuels n'ont aucune fantaisie, n'ont pas la saveur de l'imprévu de la nature. Cet enchevêtrement d'éléments qui ne devraient pas pouvoir se rencontrer et qui font tout le sel d'un univers cohérent.

Et là, on est obligé d'en revenir à un jeu qui a su allier cette mode de la courbe et des matières mixtes à univers crédible : Mass Effect. Précurseur de ce style, il a pourtant eu l'intelligence de ne pas s'arrêter à cette branlette intellectuelle de concept artistes. Il a su prendre ces éléments futuristes et les placer dans un monde à la hauteur d'un réel fantasmé mais crédible, où l'uniformisation n'a pas stérilisé l'imagination et où un Commandant Shepard, apôtre du Grand Dessein progressiste, peut se laisser charmer par le souffre soufflé par Aria T'Loak. Ah oui, bizarrement on retrouve des références à Blade Runner à chaque coin de coursives.