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Édito #27 : Les clés du futur dans l'Accélérationnisme ?

Par Alfro
3 novembre 2014
Édito #27 : Les clés du futur dans l'Accélérationnisme ?

Ce week-end, Vice (version anglaise) a diffusé une interview des fondateurs du Mouvement des Health Goth, qui promeuvent une imagerie gothique à grand renfort de marques de vêtements connues, telle Adidas qui s'est même entretenue avec eux. Ils expliquent que les publicités de ces marques les ont inspirés par leur esthétique qui dévoilait une part sombre ou sexuelle qui n'aurait pas dû s'y trouver. Pour définitivement expliquer leur mouvement, ils vont alors se réclamer de l'Accélérationnisme, un courant philosophique né il y a plus d'un siècle.

C'est en 1848 que cette conception va apparaitre la première fois, alors que Karl Marx s'exprime devant l'Association Démocratique de Bruxelles. Le penseur politique va tenir ces propos dans son discours :

"En général,le système protectionniste actuel est conservateur, tandis que le système de libre marché est destructeur. Il détruit les nationalités et pousse les antagonismes entre le prolétariat et la bourgeoisie à son point le plus extrême. En un mot, le libéralisme accélère la révolution sociale. Dans ce sens révolutionnaire seulement, je vote en faveur du libéralisme."

Ainsi, dans ce discours, le philosophe fait preuve de sa grande capacité à sonder le futur en apercevant ce qui se retrouve aujourd'hui. Il annonce la disparition des frontières, les États disparaissant au profit des Sociétés, et envisage le clivage social. Quand on voit les lobbies qui sont devenus l'organe politique le plus puissant des pays occidentaux, que certaines multinationales sont plus riches et puissantes que plusieurs pays et que les riches n'ont jamais été aussi riches et les pauvres aussi pauvres, difficile alors de lui donner tord. Ainsi, pour lui, il fallait laisser le libéralisme vaquer à ses occupations, car sa propre force destructrice ne pouvait que mener à la Révolution qu'il attend tellement.

 

Un peu plus tard, Nietzche ira même plus loin en affirmant qu'il faudrait peut-être accélérer ce mouvement. Plus proches de nous, les philosophes Gilles Deleuze et Félix Guattari vont reprendre le conseil de ce dernier dans L'Anti-Œdipe (1972), expliquant alors qu'il faut devenir schizophrène, qu'il faut devenir une partie du capitalisme, avoir le même visage que chacun pour détruire le système de l'intérieur en accélérant la déterritorialisation et la dégradation du tissu social. Il s'agit donc d'une pratique révolutionnaire qui vise à supprimer l'individu du cœur de l'organisation sociale pour lui préférer le pluralisme.

En somme, l'Accélérationnisme consiste à ne pas éviter le chaos annoncé, mais à y foncer tête baissée. La destruction avant la reconstruction. La Révolution née des cendres de l'Ancien Monde. Une idée romantique qui aura longtemps séduit les auteurs de S-F politique mais à laquelle il convient de jeter un second regard, déjà en regard d'une donnée que ces grands penseurs n'avaient pas encore eu : nous n'aurons peut-être pas le temps d'attendre patiemment l'implosion du capitalisme. Entre les années 70, où Deleuze et Guattari sur la vague de Mai 68 rêvent d'une société plus égale, et aujourd'hui, nous avons si bien mené notre entreprise de destruction de la Nature, que le monde aura peut-être disparu avant le capitalisme.

Surtout que ce dernier à la vie dure. En effet, nous avons appris depuis, à force de l'expérimenter dans chaque aspect de notre existence, que le capitalisme est extrêmement résistant et à une force d'adaptation hors-norme. Puisqu'il transforme tout et tous en donnée financière, il a inventé une économie de la catastrophe. La journaliste Naomi Klein nous a notamment démontré la mise en place d'un capitalisme du désastre, de plus en plus présent, qui s'alimente de catastrophes naturelless, terrorismes et peurs en tout genre, qu'il va même finir par générer (salut Ébola !) pour croître (qui a toujours été son objectif inhérent, la croissance pour la croissance). Difficile alors d'attendre patiemment que ce système économique, qui a eu près de deux siècle pour s'affiner, lâche pour pouvoir mettre sur pied cette utopie beaucoup discutée, rarement envisagée. Il serait alors d'imaginer comme le fait Warren Ellis que le capitalisme nous amène dans une vitesse de croisière du chaos, à 99% de la destruction totale sans jamais y parvenir. La pire dystopie serait alors paradoxalement celle où l'Apocalypse n'arriverait pas.