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Édito #44 : De Nikola Tesla à Elon Musk, l'énergie universelle

Par Alfro
4 mai 2015
Édito #44 : De Nikola Tesla à Elon Musk, l'énergie universelle

La semaine dernière, l'homme d'affaire sud-africain Elon Musk a tenu une conférence qui pourrait bien révolutionner le monde dans les années à venir, et dans le bon sens du terme. Après avoir grandement contribué à l'essor de PayPal, créé SpaceX, société privée de construction de fusées spatiales avec laquelle il ambitionne ni plus ni moins de coloniser Mars, et créé Tesla Motors (qui fabrique des voitures électriques de luxe), il a dévoilé le projet insensé de son dernier bébé : Tesla Energy.

Premier produit que cette nouvelle entreprise va sortir : le PowerWall. Cette batterie de la taille d'une petite chaudière au design classe va radicalement changer notre rapport à l'énergie. En effet, celle-ci pourra stocker pas moins de 10 kilowatts-heure d'énergie récupérée par des panneaux solaires et autres éoliennes, de quoi avoir une autonomie de huit heures en moyenne une fois chargée au maximum. Une batterie domestique qui utilise de l'énergie propre qui ne rejette pas du tout de CO2. Un pas en avant monstrueux si l'on considère qu'un tiers des énergies fossiles (qui sont en train de disparaitre, rappelons-le) sont utilisés pour la production d'électricité et que cela représente une pollution non négligeable. Surtout que les solutions actuelles pour conserver laissent plus qu'à désirer et représente une perte d'énergie considérable. Si le PowerWall tient les promesses de Musk, avec une perte proche du zéro, l'impact sur l'écologie et les finances domestiques sera accueilli avec joie.

Dans la mesure où on essaie de ne pas s'inquiéter de voir un seul homme prendre un quasi-monopole sur un marché aussi vital que celui de l'énergie du futur, cela représente une avancée technologique et sociétale incroyable. Surtout qu'il a aussi dévoilé une version pour les entreprises qui est dix fois plus puissante (100 kWh donc). Les premiers a avoir sauté dessus sont les gens d'Amazon dont le Amazon Web Service, qui stocke leurs données mais aussi celles de nombreuses autres entreprises, consomme énormément d'énergie. Ils ont donc déjà installé plusieurs de ces batteries dans leurs locaux et nous découvrirons donc bientôt la viabilité du projet. Surtout que ces batteries permettent aussi de stocker de l'électricité en heures creuses, permettant aux ménages de payer beaucoup moins chers.

Une technologie révolutionnaire qui porte le nom de Tesla donc. Et ce n'est pas anodin du tout. Car au-delà de la fiction présentée par Christopher Priest dans Le Prestige qui a été repris au cinéma par Christopher Nolan, où le scientifique est joué par un David Bowie inquiétant et étincelant, Nikola Tesla est une figure essentielle pour comprendre certains faits actuels. Ce scientifique de génie d'origine serbe, qui possédait une mémoire eidétique couplée à une capacité de représentation mentale qui lui permettait de faire abstraction de plan et autres schémas, va être recruté et déménagé aux Etats-Unis par Thomas Edison après qu'il ait inventé plusieurs moteurs électriques révolutionnaires alors qu'il a à peine 25 ans. Il va donc travailler côte à côte avec "l'inventeur" de l'électricité.

Pourtant, très vite les deux hommes vont s'opposer durement et durablement. En effet, Edison a mis en place sur tout le territoire américain son système électrique à courant continu. Celui-ci saute régulièrement (et toujours aujourd'hui, le réseau américain est très instable) et Tesla y voit une faille. Il propose alors de passer au courant alternatif, bien plus fiable et efficace. Si bien qu'Edison va lui proposer un pari, une controverse restée célèbre, où il lui promet 50.000$ s'il lui prouve que son courant alternatif l'emporte sur son invention. Il ne faudra que quelques mois à Tesla pour y parvenir mais n'obtiendra jamais la prime annoncée, Edison avançant qu'il n'avait pas compris son "humour américain".

Surtout, à partir de ce moment-là, Edison va tout faire pour détruire Tesla et ses idées (oui, nous fonctionnons toujours au courant continu). Pourtant, à ce moment-là, le jeune scientifique va faire la rencontre du Swami Vivekananda, un yogi venu en Occident pour partager les enseignements de la philosophie védique. Nikola Tesla sera notamment très intéressé par les théories sur l'universalité de l'énergie, sur le fait que même la matière est un potentiel d'énergie. Une philosophie vieille de 5.000 ans qui le frappe par sa compréhension du monde, que la science de l'époque est juste en train d'effleurer (et les découvertes récentes ne font qu'abonder dans ce sens). Si bien qu'il va développer l'idée de l'énergie universelle et surtout libre et accessible à tous.

Nul besoin de dire que ce dernier point va irriter beaucoup de monde, dont le très puissant et bien placé Thomas Edison qui va non seulement le virer mais aussi le marginaliser pour finalement le mettre sur la paille. C'est quasiment à la rue que Tesla finira sa vie, emportant dans sa tombe son idéal d'énergie propre et gratuite. Alors certes, Elon Musk retient surtout l'aspect universel de son idéal, la gratuité attendra même si le fameux PowerWall sera vendu pour seulement 3.000$ là où les experts avaient prophétisé un prix de 10.000$, mais la filiation est évidente. Rappelons que Musk avant d'être un businessman de génie est un génie tout court puisqu'il a obtenu son doctorat de physique énergétique à l'université de Stanford où son sujet de thèse n'était autre que les condensateurs électriques. De la suite dans les idées.

"Dans quelques générations nos machines seront animées grâce à une énergie disponible en tous points de l’univers.[…] [En effet,] dans l’espace, il existe une forme d’énergie. Est-elle statique ou cinétique ? Si elle est statique, toutes nos recherches auront été vaines. Si elle est cinétique – et nous savons qu’elle l’est – ce n’est qu’une question de temps, et l’humanité mettra en harmonie ses techniques énergétiques avec les grands rouages de la nature."— Nikola Tesla, 1891 [trad. Wikipédia]