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Billet d'Humeur : avec son film Han Solo, Disney shot me first

Par Republ33k
8 juillet 2015
Billet d'Humeur : avec son film Han Solo, Disney shot me first

Alors qu'un vent d'inquiétude soufflait sur le projet d'un second spin-off Star Wars depuis le départ de Josh Trank, Lucasfilm a calmé les ardeurs de millions de fans hier soir en annonçant Phil Lord et Chris Miller à la réalisation d'un film qui sera consacré au personnage cultissime de Han Solo. Et au regard des différentes réactions que l'annonce suscite, il était peut-être temps de nous pencher, dans le détail, sur l'idée d'un métrage entièrement consacré au célèbre contrebandier.

• Sith Lord & Miller

 

Commençons par le commencement, en nous intéressant aux deux réalisateurs, Phil Lord et Chris Miller. En plein braquage à Hollywood, les deux lurons sont très impliqués chez Warner Bros (avec les suites et spin-offs de The Lego Movie, mais aussi avec le développement de The Flash) et Sony (Une suite à 22 Jump Street, un Spider-Man animé et peut être un Ghostbusters) et ajoutent un nouveau projet à leur pile en la personne d'un spin-off Star Wars. Pas tellement la licence la plus légère qui soit. Surtout quant on est fan de la saga comme ce duo :

« C’est la première fois qu’on travaille sur un film en ayant une si bonne idée de départ. On promet qu'on va prendre des risques et offrir au public une nouvelle expérience. On fera tout pour être des serviteurs fidèles à ces personnages qui veulent dire tant de choses pour chacun d’entre nous, déclarent Christopher Miller et Phil Lord. Pour nous, c'est un rêve qui devient réalité. Pas le genre de rêve dans lequel vous êtes en retard au boulot et où vous arrivez avec des vêtements qui ne ressemblent plus à rien, mais le genre de rêve où on vous confie la réalisation d’un film avec certains des personnages parmi les plus géniaux jamais créés, pour une franchise que vous avez toujours adorée depuis que vous avez l'âge de vous souvenir de vos rêves. »

• Le calcul Disney

Assurément, la déclaration tend à nous rassurer. Surtout quant on nous parle de prise de risques. Car selon moi, envisager un film consacré à Han Solo en guise de spin-off à Star Wars, c'est un peu le niveau zéro, allez, disons un, de la réflexion artistique. D'un point de vue marketing, l'idée se défend tout à fait, mais il y a assurément plus intéressant et complexe à proposer quand on s'appelle Disney. Mais à la rigueur, c'est un problème qui touchera de près ou de loin tous les Star Wars Anthology, à commencer par Rogue One, qui s'avère pour le moment ambitieux, mais qui pourrait sortir tiède du robinet.

 

• Le problème du personnage culte

Un constat toujours moins blessant pour le fandom qu'une mauvaise réinterprétation d'un personnage culte. Vous le savez, la popularité de Star Wars a quelque peu cristallisé la vision qu'on peut se faire de cet univers et de ses plus fameux protagonistes. Et assurément, Solo fait partie de ceux-là, et en s'y intéressant de très près dans un spin-off, Lucasfilm prend un très gros risque : puisqu'on ne peut pas extrapoler sur ce que sera un film solo (ohoh) dédié à un personnage culte de la saga, prenons un autre exemple, celui des récents comics Star Wars et Darth Vader, parus chez Marvel.

Dans ces deux titres, on sent que les auteurs sont limités dans leurs décisions, car tiraillés entre leur respect des personnages comme Vador, Luke, Han ou Leia, et le besoin, juste vital pour une bonne histoire, de proposer quelque chose de nouveau. Résultat, on se retrouve avec des intrigues qui ont très peu de marge de manœuvre, des dialogues coupés par des imitations de répliques cultes et des histoires qui sonnent faux dès qu'on place un personnage bien établi dans une nouvelle ambiance, comme lorsque Kieron Gillen colle Dark Vador dans un décorum qui tient plus de la Space-Fantasy et impliquant des baleines de l'espace. Appliqué à un film, le calcul peut être désastreux, en plus de priver deux réalisateurs comme Lord et Miller de leur géniale créativité. 

 

• Solo et la figure du vaurien comique

En ce qui concerne Han Solo, le problème est d'ailleurs plus épineux encore. Je ne vous ferai pas l'affront de détailler la popularité du personnage et son importance dans la saga et dans le cœur des fans. Un véritable culte est voué à Han Solo, dans une forme de fanatisme bien différente de celle d'un Boba Fett, par exemple, qui tient plus du héros mystérieux et tertiaire qu'on essaie de rendre badass et indispensable. Aussi, si un film potentiel sur le chasseur de prime proposerait tout de suite un défi, celui sur le contrebandier va se heurter à un souci très contextuel. 

En effet, si je me penche sur l'archétype qui se cache derrière le nom Han Solo, je trouve le vaurien comique. Un type aussi attachant que désobligeant, la faute à des attaches au mauvais endroit - son amour pour l'argent par exemple. Un anti-héros ou un zéro qui devient, progressivement, un héros, tout en gardant un minimum d'irrévérence pour rester cool. Et assurément, le personnage interprété par Harrison Ford est l'un des grands représentants, si ce n'est l'un des prototypes les plus réussis de cette figure.

 

Or, en 2015, je ne vais rien vous apprendre, cette figure du vaurien est extrêmement présente dans le cinéma Hollywoodien, en partie à cause - ou grâce, au choix - du succès de Marvel Studios et de ses personnages comme Tony Stark (Robert Downey Jr) ou plus récemment Peter Quil (Chris Pratt). Si bien que ce type de protagonistes est devenu un schéma à part entière, bien connu de tous les publics. Et le revoir pointer le bout de son nez en 2018 dans une version plus jeune n'aura (peut-être) rien de charmant, et/ou en tous cas rien d'intéressant, j'en ai peur. Pour tout vous dire, je n'ai même aucune envie de voir un Solo jeune ou un proto-Solo débarquer dans un Hollywood pollué par cette figure dorénavant récurrente.

• Le cas Aaron Paul

Nous reste à évoquer le cas de l'acteur. On notera d'ailleurs que contrairement à celui de Rogue One, le communiqué de ce spin-off ne mentionne ni titre ni interprète. Sans doute parce que le choix d'un interprète sera ô combien périlleux pour Lucasfilm, et encore plus à l'heure où on se permet de menacer Ben Affleck de mort parce qu'il accepte le rôle de Batman. Mais revenons à l'acteur, qui a forgé sa réputation sur l'excellente série Breaking Bad. Mentionné à de multiples reprises dans les rumeurs entourant ce spin-off, celui que l'on appelle aussi Jesse Pinkman s'est fendu d'une nouvelle vagues de réjouissances qui nous laissent à pense qu'il pourrait bien incarner le légendaire contrebandier.

 

Et en partant de ce constat, on voit bien à quel point le cas d'un spin-off Han Solo peut être complexe. Lorsque j'ai appris l'arrivée de Phil Lord et Chris Miller, ma première réaction fut positive : leur filmographie, drôle et légère, nous annonce un Han Solo d'avantage comique et suave qu'un Han "shot first" Solo grim and gritty fantasmé par les fans depuis des années. Seulement, quand j'imagine Aaron Paul dans le rôle, et malgré le potentiel comique de l'acteur, j'ai bien du mal à imaginer autre chose qu'un brigand des grands chemins spatiaux à la gâchette facile. Une description antinomique avec l'idée que je me fait de ce personnage interprété par un vrai bonhomme comme Ford, qui maintenant que j'y pense, est évidemment le héros de mon enfance.

Mais c'est bien là que se créent tous ces débats, n'est ce pas ? Il y autant d'univers Star Wars que de fans de la saga, et avec nos visions, toutes différentes j'en suis certain, nous avons pris l'habitude de nous approprier une œuvre restée figée pendant dix ans, qui se voit désormais interprétée par Disney, qui comme tout individu, a son idée sur ces héros et cet univers. Quelque soit l'issue donc, il y aura toujours des gagnants et des perdants. Mais parmi eux, je n'ai aucune envie de compter un personnage dont le mythe sera blessé par une production trop calibrée pour être inoffensive. May the force be with you, Han.