
La série de livres mettant en scène l’inquisiteur Nicolas Eymerich a connu un parcours éditorial compliqué en dépit des prix glanés au cours de son existence : le prix Urania en Italie et le Grand Prix de l’Imaginaire et le prix Tour Eiffel en France. Il aura fallu la détermination des éditions la Volte pour enfin proposer en français la totalité du cycle imaginée par Valerio Evangelisti.
Dans l’Évangile selon Eymerich, l’auteur croise de manière habile trois lignes narratives. La première raconte la quête vengeresse d’une femme du nom de Lilith. Elle désire éliminer tous les psychiatres réfugiés sur la lune qui tentent d’influencer le destin des hommes, grâce à des électrochocs collectifs.
Le deuxième temps est l’enfance de Nicolas Eymerich, sa première rencontre avec l’inquisition et les évènements qui forgeront son caractère intransigeant.
Ces deux axes ne seront en réalité que des interludes qui couperont le cœur de l’enquête menée par l’inquisiteur aux prises avec un ennemi insaisissable. Cette chasse à l’homme le conduit de l’Espagne en Sicile où il se confronte à la présence de disques étranges dans le ciel et surtout à l’apparition de monstres comme des fœtus démembrés.
En plus de sa charge inquisitoriale, les Barons siciliens lui demanderont de servir de médiateur afin de résoudre les problèmes d’instabilités politiques dont souffre l’île.
Nicolas
Eymerich sert de point central sur lequel s’articule tout le
récit. Personnage détestable et détesté à cause de l’idéologie
inflexible qui l’anime et par le mépris qu’il réserve à tout
ce qu’il considère comme contraire à sa vision du monde, il n’en
reste pas moins un antihéros fascinant.
L’inquisiteur se
retrouve opposé à Ramón
de Tárraga
qui s’avère comme un ennemi à la hauteur de son intelligence. Le
mystère de sa disparition et les manifestations de disques lumineux
dans le ciel et de monstres vont obliger le héros à réévaluer ses
certitudes dans sa quête de vérité. Malgré tout, il restera ce
religieux inflexible capable de passer un homme par une fenêtre sur
la simple intuition que celui-ci a pactisé avec le diable.
Chaque tome du cycle de Nicolas Eymerich propose une histoire qui peut être lue indépendamment des autres titres de la série. Si dans ce volume des références à son passé sont évoquées, elles ne nuisent pas à la compréhension ni à l’intrigue. La seule difficulté est d’accepter le ton du personnage qui méprise tout ce qui n’est pas en accord avec l’Église catholique. Ce parti pris se justifie par sa fonction d’inquisiteur de l’erreur hérétique. L’auteur montrera d’ailleurs dans le roman qu’en dépit de son idéologie, Nicolas Eymerich possède plus de nuance et de contradiction qu’il n’y parait.
Valerio Evangelisti offre une dernière aventure à la hauteur de son héros atypique ou se mêle kabbale, alchimie, Histoire de la Sicile, réflexion sur le contrôle des masses. Si le récit tarde un peu à se mettre en place, l’intrigue s’épaissit au fur et à mesure de la lecture. Le seul regret que l’on peut éprouver est que les deux axes narratifs annexes se révèlent trop peu fouillés, même s’ils proposent une véritable respiration à cette histoire haletante.