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40 ans d'amour pour la version française de Star Wars

Par Republ33k
23 octobre 2017
40 ans d'amour pour la version française de Star Wars

Le 19 octobre dernier, on fêtait les 40 ans de Star Wars en France. Avec quelques mois de retard, le film de George Lucas sortait en octobre 1977 au pays du fromage, à une époque où nous n'avions ni internet ni fandom dévoué pour nous tenir informés. Pas étonnant, quelque part, que le film soit arrivé avec une version françaises des plus improbables. 

Cette VF, vous la connaissez sans doute pour sa réinterprétation des noms les plus fameux de la saga. A commencer par Yan Solo, mais Leïla, Z-6PO, D2-R2, le Millénium Condor ou encore Chiktaba sont parmi les réinventions les plus folles de ce doublage qu'on doit à un certain Éric Kahane, un traducteur que nous perdions en 1999 à l'âge de 73 ans.

Ce joyeux bonhomme, nommé directeur artistique sur le projet d'un Star Wars français quelques mois avant la sortie du film dans les salles, avait pour ambition de coller aux sonorités plutôt qu'au sens. Une initiative ma fois louable, et un dilemme bien connu des traducteurs, qui doivent parfois faire quelques sacrifices pour nous offrir un équivalent français qui sonne bien, comme on dit.
 
 
Le résultat est pour le moins surprenant, et va donner lieu, comme nous le disions, à bien des fantaisies. Mais aussi quelques noms endurants, comme celui de Dark Vador (en lieu et place de Darth Vader, on retiendra d'ailleurs que le préfixe Dark restera celui des Siths dans le Star Wars français) ou de l'Étoile Noire, une traduction inspirée puisqu'elle évitera le doublon malheureux Death Star et Death Star II en 1983, à la sortie du Retour du Jedi
 
Tout n'est pas à jeter donc, et si comme moi vous aimez vous interroger sur la façon dont le langage forge parfois notre imaginaire, la version française d'octobre 1977 est un vrai délice pour les oreilles. En tout cas, pour les miennes, car même si j'ai grandi dans les années 1990, entre deux trilogies Star Wars, j'ai pu être en contact avec cette folle traduction plus d'une fois.
 
Je suis d'ailleurs prêt à parier que mon amour pour ce bon Yan, que dis-je, Han Solo est lié à son premier doublage, interprété par Francis Lax, déjà connu à l'époque pour donner sa voix à Hutch dans Starksy et Hutch. Bien sûr, au beau milieu des nineties, il était trop tôt pour moi d'écouter Harrison Ford dan sa langue natale. Mais près de vingt ans plus tard, citer Han Solo dans la langue de Molière a encore quelque chose de savoureux. Les pépins de pistolaser, les références aux moissonneuses batteuses (si si) et les magnifiques Chico ! (ci-dessus) y sont sans doute pour quelque chose.
 

 
Comme je le rappelais il y a des mois de cela sur 9emeArt, l’impact que peut avoir une version française sur le public de notre beau pays me fascine, et si on peut regretter les nombreux débats que plusieurs traductions successives de Star Wars (dont l'incroyable version audio du film en 45 tours) ont causé, et causent encore aujourd'hui - du côté des comics de la saga en français par exemple - on peut tout de même voir le verre à moitié plein : après tout, nous sommes l'un des rares pays du monde à avoir notre Star Wars, et les subtilités linguisitiques de la saga sont un superbe outil pour exercer sa créativité à l'écrit.
 
Un blaster devient ainsi un pistolaser. Star Wars devient La Guerre des Étoiles et non Les Guerres Stellaires, comme ce fut un temps envisagé. Mais il est amusant de retracer ces évolutions ou de les comprendre, en témoigne l'exemple de Chewbacca : chew veut dire mâcher, en français, qui devient chiquer pour la VF, le bacca restant évoquant tobacco, l'anglais pour tabac. On pourrait presque dire que cette traduction tombe sous le sens !
 
Pour lire des comics ou regarder des films dans la langue de Shakespeare chaque jour, je m'interroge souvent sur la façon dont ils seront traduits pour préserver leur sens ou simplement, leur musicalité ou quelques jeux de mots cachés. Me voilà donc du côté de la version originale, où je resterai sans doute pour le restant de mes jours. Mais puisque la VF reste majoritaire en France, et pas seulement parce que Chiktaba sonne bien, je regrette presque que nos traductions ne soient pas aussi travaillées, ou en tous cas fleuries, qu'en 1977. 
 
 
De nos jours, la créativité semble avoir été aspirée dans l'étape de traduction, et voir un film en VF revient souvent à s'infliger une version à peine francisée de dialogues mal doublés, et sans vie. Ce n'est pas tellement l'idée que je me fais d'une bonne version française, que je définirais plus volontiers comme un savant mélange des punchlines savoureuses de la VF de Pulp Fiction et les néologismes de La Horde du Contrevent, par exemple. Quand on parle d'un Space-Opéra comme Star Wars en tous cas.
 
Donc si vous nous lisez, chers exploitants, chers distributeurs, quitte à vous planter, soyez créatifs ! Qui sait, votre version française pourrait bien devenir culte d'ici quarante ans.
40 ans d'amour pour la version française de Star Wars