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Cronos, Mimic et L'Echine du Diable : retour sur les débuts de Guillermo Del Toro

Par DoctorVin's
21 février 2018
Cronos, Mimic et L'Echine du Diable : retour sur les débuts de Guillermo Del Toro

Lorsque l'on parle de Guillermo del Toro, on pense soit à des projets inachevés, soit à des films comme Le Labyrinthe de Pan, Pacific Rim, Hellboy ou Blade 2. Pourtant,  le réalisateur mexicain est à l'origine d'autres films peut-être moins connus, et pourtant loin d'être dénués d'intérêt ! Revenons ici sur les 3 premiers longs métrages du réalisateur, des films fondateurs pour l'artiste accompli qu'est aujourd'hui Guillermo del Toro.

Cronos, un premier film annonciateur (1993)

Pour son tout premier long-métrage, del Toro nous offre, des années avant The Strain, une première réinvention du mythe du vampire, et nous livre un film présentant déjà de nombreuses caractéristiques de ce qui fera son style.

"Au XIVe siècle, un alchimiste enferme le secret de l'éternité dans une petite boîte. Plus de six siècles après, en 1997, un antiquaire est sur le point de libérer cette force inconnue."

Déjà à l'époque, le réalisateur mexicain prenait plusieurs mythes pour les mélanger, afin de nous livrer un conte fantastique de son propre cru, un film dans lequel il s'est impliqué corps et âme, allant même jusqu'à vendre sa voiture et hypothéquer sa maison pour participer au financement. del Toro s'attaque donc ici à la figure du vampire mais aussi à des mythes comme la boîte de pandore ou l'immortalité, tout cela lui sert bien évidemment à explorer de nombreux thèmes, l'addiction en l'occurrence, mais bien sûr celui de l'enfance, si cher à del Toro. Il puise dans ses obsessions (la mort, l'horloge...), ses influences culturelles et son propre vécu pour livrer une oeuvre personnelle, mais qui souffre tout de quelques erreurs de jeunesse. Le film est porté par un casting solide avec en tête Federico Luppi, un grand acteur argentin qui collaborera ensuite avec del Toro sur l'Échine du Diable, à noter qu'il s'agit aussi de la première collaboration du réalisateur avec Ron Perlman (avant le dyptique Hellboy, Pacific Rim et Blade 2).

Dès son premier film, del Toro commençait à imposer son style, son esthétique et des thèmes qu'il poursuit et perfectionne encore aujourd'hui. Cronos et donc un métrage que je vous invite à voir (ou à revoir), car c'est avant tout un bon film, mais aussi parce que del Toro affirmait déjà son son identité dès ce premier essai, ce qui le rend d'autant plus intéressant à analyser. Des mythes revisités, des monstres qui ne sont pas ceux que l'on croit, des enfants, tout y est déjà ! Il ne manque plus qu'à del Toro de gagner en expérience et en assurance.

Mimic, la désillusion hollywoodienne (1997)

Le film qui effraie tous les fans du réalisateur, mais pas spécialement pour les raisons auxquelles on s'attend... En effet, la deuxième réalisation de del Toro possède une sale réputation (assez justifié), mais qui mérite tout de même que l'on s'attarde dessus, notamment car il marque une étape importante dans la carrière du réalisateur. 

"Pour juguler une épidémie propagée par des insectes, le docteur Susan Tyler et son mari Peter Mann manipulent le code génétique des petites bêtes, créant ainsi une génération de clones qui détruit ses congénères. Trois ans plus tard, le remède a donné vie à une espèce mutante qui habite dans les sous-sols de la ville. Ces insectes ont maintenant la taille de l'homme et sont dotés d'un système de camouflage naturel, le mimétisme."

Avec ce film del Toro continue d'affirmer son style et instaure des bases qui perdurent encore aujourd'hui dans ses oeuvres, tout en continuant de s'intéresser à certaines de ses obsessions personnelles. Mais pourtant, les choses ne se passeront pas comme l'imaginait le réalisateur, et il garde un très mauvais souvenir de ce tournage. C'est en effet son premier projet avec un studio Hollywoodien, le film étant produit par Miramax (dirigé par Bob Weinstein), et il va se retrouver confronté à la réalité du système hollywoodien et l'ingérence des producteurs dans un projet. Le film qui s'annonçait comme un pur produit del Toro se verra modifié en profondeur sur bien des aspects, le scénario sera modifié, del Toro n'a pas le dernier mot sur la direction du film, sans oublier la présence d'une seconde équipe de tournage qui n'a pas forcément sa vision. Del Toro se sentira dépossédé de son film, et c'est assurément son oeuvre la moins personnelle, c'est notamment depuis ce projet qu'il refuse d'ailleurs catégoriquement d'avoir une seconde équipe de tournage sur tous ses projets, il tient à ce que chaque plan tourné soit de lui. Mais ce film permettra à del Toro de gagner en assurance et il n'hésitera plus à refuser des projets où il sentirait qu'il n'aurait pas le contrôle.

Mimic est certainement le moins bon film de del Toro, mais j'ai tout de même de l'affection pour lui. Malgré tout ce que l'on peut lui reprocher, certaines scènes sont vraiment réussies, les décors le sont aussi, et ces "petites" créatures sont plutôt intéressantes, sans oublier la présence de Josh Brolin au casting (et même un petit caméo de Norman Reedus). Je vous invite donc tout de même à voir ce film mine de rien assez important pour comprendre le réalisateur, sa relation aux studios et pourquoi il abandonne tant de projets. 

PS : privilégiez bien sûr la Director's Cut sortie quelque temps plus tard. 

L'Échine du Diable, la confirmation (2001)

Après la mauvaise expérience de Mimic, le réalisateur se montre plus réticent à travailler avec les studios et met de côté des projets comme Hellboy (sur lequel il travaillait dès 1998) et Blade 2, pour travailler sur un film qu'il tenait à faire depuis longtemps, l'Échine du Diable. Point de studio Hollywoodien ici, mais une production mexicano-espagnole pour laquelle il retrouvera Federico Luppi.

"En Espagne, durant la guerre civile, Carlos, un garçon de douze ans, débarque à Santa Lucia, un orphelinat catholique. Mais il doit faire face à l'hostilité de ses camarades et de Jacinto, l'homme à tout faire. Par ailleurs, ce lieu hostile dissimule derrière ses murs deux secrets : l'or de la cause républicaine, et le fantôme d'un enfant qui hante le sous-sol."

Après le vampire et les insectes, del Toro va ici réinventer la figure du fantôme et nous livre une oeuvre aboutie, qui est à mes yeux son premier tour de force avant Le Labyrinthe de Pan (les deux films partageant d'ailleurs de nombreux points communs). Le réalisateur est totalement libre et sans studio pour le censurer il peut explorer à fond toutes ses idées, on retrouve notamment le fait que les monstres ne sont pas ceux qu'on attend, une constante dans ses oeuvres. Mais bien évidemment le réalisateur utilise le fantastique pour délivrer des messages sur notre monde, il s'attaque ici au fascisme et à la guerre d'Espagne, qui se retrouvent mis en abîme dans cet orphelinat peuplé de fantômes bien vivants. Guillermo del Toro, réalisateur méticuleux peaufine tous les détails de son film et travail énormément sur la symbolique (religieuse notamment).


L'Échine du Diable est un film peut-être moins connu que les autres classiques de del Toro mais qui se doit d'être vu, c'est une oeuvre riche où le réalisateur puisera encore dans son vécu pour la densifier. Une oeuvre qui sera plusieurs fois nominée et remportera plusieurs prix amplement mérités. Il pourra ensuite s'atteler à des projets comme Blade 2 ou Hellboy en réussissant à imposer ses idées et ses envies aux studios, et aussi permettre à ses propres projets comme Crimson Peak ou Pacific Rim de voir le jour.

Trois premiers films d'une importance capitale pour comprendre del Toro, son ascension et sa relation aux studios, le réalisateur a même réussi à s'imposer au-delà de ses films. Il touche aussi à la littérature, aux jeux vidéo, à des séries (The Strain, Trollhunters), et a encouragé de nombreux réalisateurs comme J.A. Bayona (l'Orphelinat) et Andres Muschietti (Mama, It), avec qui il partage de nombreux points communs. Guillermo del Toro est un artiste entier qui tient à son indépendance et ne se laisse pas contrôler par les studios (ce qui est assez rare pour le souligner). Un réalisateur qui a aussi derrière lui une filmographie quasiment sans faute, et ce n'est pas La Forme de l'Eau qui devrait nous donner tort.

Cronos, Mimic et L'Echine du Diable : retour sur les débuts de Guillermo Del Toro