Critiques

Tout l'Art de Diablo: Sanctuaire n'aura jamais aussi bien porté son nom

Par LuBu
8 minutes 29 juillet 2023
Tout l'Art de Diablo: Sanctuaire n'aura jamais aussi bien porté son nom
On a aimé
- Une édition aux finitions parfaites
- Des illustrations inédites
- Un parti pris intéressant
On n'a pas aimé
- Des éléments de lore limités

                D’innombrables univers fictifs perlent les différents supports créatifs de notre époque contemporaine, offrant autant de mondes enchantés et merveilleux que d’endroits surnaturels empreints d’une malveillance démesurée. De cette dernière catégorie trône en maître une sphère cauchemardesque, un macrocosme aux élans démoniaques et à l’allure infernale.

 

De ses entrailles naquirent un légendaire devenu mythique, une spirale à l’odeur âcre et aux couleurs rougeoyantes, dans laquelle se côtoient créatures dantesques, entités séraphiques et humanité désemparée. Quelles que fussent la quantité d’adjectifs utilisés, la densité de descriptions rédigées, ou la masse d’informations récoltées, rien ne suffirait à ne serait-ce qu’esquisser la richesse intrinsèque à l’univers de Diablo, garant de l’essence démoniaque.

 

Avec Tout l’Art de Diablo publié en 2019, Huginn & Muginn tente de condenser avec passion et fidélité de l’œuvre tout ce qui fait de Diablo une licence religieusement respectée.

L'univers de Diablo

 

                Véritable icône du domaine vidéo-ludique, la franchise Diablo s'est, à juste titre et comme par force éponymique, diablement démarquée dès l’année 2000, après un premier opus à la fin des années 90 ayant permis de poser les bases de ce qui deviendra l'un des univers les plus denses et appréciés du 21e siècle.

 

Encerclé de titres d’époque aux scénarios suivant un fil rouge restrictif, Diablo se distingue à la fois par son gameplay inédit que par les nouveautés narratives qu’il inclut : le joueur ne suit plus une simple intrigue pleine de déterminisme et dont les seules actions permettent l’évolution du monde, il ne devient qu’un simple individu parmi un univers exaltant pleinement autonome.

Hack’n’slash des premières heures, Diablo a su évoluer et s’enrichir depuis son premier coup d’essai, résultant en la naissance d’une véritable cosmogénèse de l’imaginaire. Personnages, lieux ou bestiaires en tous genres agissent autant comme des éléments originaux nécessaires à la mise en cohésion de ceux-ci que de simples détails étoffant davantage la vitalité de leur monde.

L'art de Diablo

                C’est ce que propose de retracer Huginn & Muninn avec Tout l’Art de Diablo, en permettant au lecteur de plonger au sein d’un univers vaste, aux contrées démesurées et aux protagonistes mémorables. L’ouvrage propose d’explorer différents pans de Sanctuaire, des personnages et leurs armes aux environnements qu’ils sillonnent, en passant par les créatures qui peuplent ses terres sanguinaires.

L’accent porte principalement sur Diablo 3, dernier opus en date lors de la publication de l’artbook, et l’on ne s’en étonne pas, tant ce dernier représente la croissance des pousses précédemment mises en terre par ses aînés. Le cadet offre donc tout ce que le simple néophyte ou le néphalem le plus aguerri peut désirer en ce qui concerne l’évolution de ce monde. Ainsi, les différentes classes sont soigneusement présentées.

Une par une, ces possibilités d’incarnation par le joueur disposent de quelques paragraphes présentant l’histoire immanente au type de personnage, tout en affublant ces quelques lignes narratives d’illustrations en tous genres, allant de l’esquisse ayant servi de prémisses aux germes des futures réalisations à la production la plus aboutie. Chaque page tournée procure une émotion bien personnelle, liée au personnage qui nous tient à cœur depuis toutes ces années ou bien à d’autres que l’on abhorre. L’ouvrage dévoile parfois des croquis des attaques, comme une petite porte dérobée vers les débuts créatifs de l’équipe de développement s’afférant à réfléchir aux prochaines compétences des personnages fraîchement modélisés.

 

Tout l’Art de Diablo mêle à la fois fragments de storyboard et illustrations officielles dans une qualité irréprochable, le tout parsemé de légendes explicitant clairement la provenance de telles images. Entre ouvrage contemplatif et narratif, celui-ci se veut néanmoins inconditionnellement original dans son traitement de l’intimité entre les développeurs et la communauté.

                En témoigne son contenu narratif assez faible, Tout l’Art de Diablo cherche substantiellement à se démarquer des autres types d’ouvrages du même style en y injectant des commentaires variés de la part de l’équipe de production de la licence.

 

Au-delà des magnifiques tableaux dépeignant l’univers de Diablo, Huginn & Muninn mettent un point d’honneur à partager avec transparence les ressentis des personnes en charge de l’instauration physique d’un univers déjà bien pensé. Opération difficilement imaginable voire complètement oublié, transmuter graphiquement des lignes de texte riches en détails et en précisions est là tout l’apanage et le défi des équipes d’illustrations. Dès lors qu’il lance son jeu favori, le joueur voit la représentation visuelle du monde dans lequel il souhaite briller.

Chaque ville possède déjà ses caractéristiques propres, chaque personnage est empreint d’une aura desservie par son apparence, chaque ennemi semble menaçant selon la morphologie qui le détermine. Mais derrière tout ce qui ne semble être que des évidences, des éléments de jeu motivés et assumés, les artistes techniques à l’origine de ces productions s’adonnent à de longues et laborieuses réflexions créatives. L’ouvrage parvient en ce sens à faire prendre conscience au joueur que, du plus infime détail visuel à l’aspect le plus patent, toute conception artistique qu’elle quelle soit n’est que le fruit d’une série de questionnements tiraillant.

 

Dès la première de couverture rabattue, un avant-propos de Brom, illustrateur de Diablo 2, et une introduction de Chris Metzen, ancien vice-président narratif de la franchise, donnent la couleur. En outre, les nombreuses itérations de commentaires de l’équipe artistique jalonnent les pages au fil des dessins. Ces incrustations métatextuelles s’intéressent aux impressions et aux émotions ressenties par les artistes lors de la conception des réalisations artistiques, à quel point tout cela n’est pas une mince affaire tellement l’importance en est capitale : créer textuellement un univers est une chose, lui donner visuellement vie en est une autre.

 

Par ailleurs, les quelques témoignages présents mettent en exergue les différents chemins de pensée par lesquels sont passés les artistes, les raisons qui les ont poussés à développer telle caractéristique physique plutôt qu’une autre ou à implémenter tel détail spécifique, et les difficultés à façonner une image ou à instaurer une ambiance bien définie qui véhiculerait ce vers quoi ils voudraient se pencher.

Dans la même veine, ces petites touches personnelles de la part des concepteurs graphique participent à rendre aux artistes leur humanité et leur individualité, tant celles-ci tendent à s’effacer au profit d’un titre au rayonnement titanesque. Nouvel adepte de Lilith ou vétéran des premiers jours, tout le monde y trouvera son compte et se délectera des anecdotes dévoilées. Entre magnifiques double pages d’illustrations, témoignages uniques des créateurs graphiques de Sanctuaire et édition imposante maîtrisée, Tout l’Art de Diablo constitue une très belle pièce de collection pour tout fan de la saga.

 

Par-delà ses prédispositions à fournir un apport fidèle en collaborant avec Blizzard Entertainment, l’œuvre se risque même à dévoiler par avance quelques concepts visuels du dernier bébé du studio 4 ans avant sa sortie officielle, rappelant aux amoureux du titre une attente longue, douloureuse, mais profondément méritée. 

Sans le moindre doute apparent, cette pépite d’Huginn & Muninn est un must-have en ce qui concerne l’univers de Diablo, détenant par ailleurs une teneur décorative assurée par une édition splendide.